SantExpo 2025 : 5 actions concrètes pour moderniser le système de santé
- Malak Lebbar
- 16 juin
- 4 min de lecture

SantExpo 2025 a rassemblé les décideurs publics, hospitaliers et industriels engagés dans la transition numérique du secteur de la santé. Les interventions ont mis en lumière des dispositifs concrets pour assurer la continuité des soins en cas de cyberattaque, intégrer efficacement l’intelligence artificielle dans les pratiques médicales, organiser l’accès aux données de santé et améliorer le suivi des patients.
Voici cinq actions prioritaires identifiées pour moderniser le système de santé.
1. Garantir la continuité des soins en cas de crise cyber
Face à l’intensification des cyberattaques, le Cyber Kit Santé (CKISA) propose une réponse pragmatique et opérationnelle. Développé par le GCS AMETIC, avec le soutien de Docaposte et La Poste Santé & Autonomie, ce dispositif vise à assurer la continuité des soins, même en mode dégradé.
Le kit se décline en deux modules :
Capsule métier : pour permettre au personnel soignant de continuer à accéder aux données et aux outils essentiels.
Capsule pilotage de crise : dédiée aux directions d’établissement pour orchestrer les réponses à la crise.
Déployé en 2024-2025 dans trois établissements pilotes (CH de Calais, Saint-Philibert à Lomme, Saint-Vincent de Paul à Lille), CKISA sera étendu à l’échelle régionale en 2026, avec une ambition de réplication nationale. Il repose sur un pilotage structuré, soutenu par l’État dans le cadre de l’AMI « Sécuriser les territoires ».
Impact : capacité des hôpitaux à rester fonctionnels malgré une perte de SI (système d'information), montée en compétence des équipes, développement d’une culture de résilience.
2. Intégrer l’intelligence artificielle dans les parcours de soins
L’IA joue un rôle croissant dans l’amélioration du diagnostic, du suivi patient et de la coordination des soins. La conférence animée par Stéphanie Allassonnière (Université Paris Cité) et Christophe Lesur (Cloud Temple) a présenté des cas concrets :
Détection précoce d’anomalies fœtales grâce à des dispositifs IA.
Outils de prédiction de maladies neurodégénératives via des jeux numériques ou des questionnaires intelligents.
Diagnostic de fractures ou lésions avec des performances équivalentes à certains examens conventionnels.
Mais l’intégration de ces technologies repose sur trois leviers clés :
Temps : les soignants manquent de disponibilité pour tester et intégrer ces outils.
Confiance : plus l’expertise clinique est élevée, plus la délégation à une IA est perçue comme risquée.
Formation : les intervenants appellent à une montée en compétence de l’ensemble des personnels, du secrétariat aux chirurgiens, avec des référents IA dans chaque établissement.
Impact : amélioration du parcours de soins, réduction des erreurs, accélération des diagnostics, mais nécessité d’un accompagnement institutionnel fort.
3. Structurer le passage à l’échelle des projets IA
Les expérimentations IA se multiplient, mais leur généralisation reste entravée par une gouvernance éclatée, l’absence de modèle économique et un déficit de structuration des données. Thomas Daubigny (ELSAN), Rozenn Guellec (Accenture) et Amaury Martin (Institut Curie) ont identifié plusieurs priorités :
Créer une gouvernance IA dédiée, distincte de la DSI traditionnelle.
Fiabiliser les données : structuration, interopérabilité, accessibilité et continuité sont essentielles.
Adopter une logique par cas d’usage : détection de polypes, optimisation de plannings, rédaction automatisée de comptes-rendus, etc.
Aligner les investissements avec les impacts médico-économiques.
Des projets comme SHAPE permettent déjà de comparer plusieurs IA sur une base de données commune. En France, le Health Data Hub et l’ANAP soutiennent la création de communs numériques.
Impact : meilleure mutualisation des innovations, scalabilité des projets IA, alignement sur les besoins opérationnels.
4. Accélérer l’industrialisation des solutions via des partenariats public-privé
La conférence dédiée aux nouvelles collaborations IA a mis en lumière la stratégie de Numih France, du CHU de Reims et de POSOS. Trois piliers structurent l’industrialisation :
Co-développement : outils développés en lien avec les besoins terrains.
Interopérabilité : intégration dans les systèmes hospitaliers existants.
Évaluation rigoureuse : tests in vivo, impact médico-économique mesuré.
Exemple marquant : le module de retranscription automatique d’ordonnances développé par POSOS, intégré dans le « store IA » de Numih. Le CHU de Reims, via son incubateur labellisé France 2030, joue un rôle d’expérimentateur et de garant de l’évaluation.
Impact : solutions prêtes à l’emploi, éprouvées et accessibles même pour les établissements aux ressources limitées.
5. Développer une gouvernance responsable des données de santé
Les entrepôts de données (EDS) deviennent un levier stratégique majeur. Tous les CHU (sauf un) en disposent aujourd’hui. AP-HP alimente 245 projets dont 86 déjà publiés. Grâce à ses données, elle a pu :
Doubler le taux de validation des documents de sortie (de 30 % à 70 %).
Mettre en place des tableaux de bord actualisés quotidiennement.
Répondre à des demandes industrielles ou scientifiques avec réactivité.
Mais la gouvernance de ces données doit être éthique, sécurisée et transparente. France Assos Santé rappelle que les patients acceptent la réutilisation si elle est utile collectivement et encadrée. Le futur règlement EHDS (espace européen des données de santé) instaurera une logique « opt-out ».
Le Health Data Hub, de son côté, privilégie les projets open source et open science via ses appels à projets comme GOAS.
Impact : meilleure valorisation des données, renforcement de la confiance citoyenne, accélération des usages de recherche et de pilotage.
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